Pourquoi les athlètes universitaires dissimulent leurs commotions

En 2010, le receveur étoile Charles-Antoine Sinotte a eu une commotion cérébrale lors de son dernier match à domicile avec les Redmen de McGill. « Je n’ai jamais fait l’expérience d’une chose pareille », se rappelle Sinotte. « Je me sentais comme si j’étais sorti de mon corps. » Bien qu’il ait reçu des soins médicaux et se soit absenté du reste du match, il avoue avoir minimisé ses symptômes pour pouvoir jouer le prochain match; le dernier avant son départ de McGill.

Deux nouvelles études publiées dans le Clinical Journal of Sport Medicine par Dr J. Scott Delaney, le médecin de l’équipe des Alouettes de Montréal, de l’Impact de Montréal et des équipes de football et de soccer de l’Université McGill, avec ses collègues, jettent la lumière sur la forme de traumatisme crânien la plus courante chez les athlètes; et confirment que les commotions cérébrales continuent d’être un sujet évité sur les terrains de sport, même face à l’effort grandissant de sensibilisation du public.

Minimiser et dissimuler les symptômes d’une commotion cérébrale

« On suspecte depuis très longtemps que les commotions cérébrales sont sous-déclarées par les athlètes. Notre recherche nous a permis d’examiner la fréquence à laquelle cela arrive et les raisons pour lesquelles les athlètes décident de dissimuler leurs commotions », explique le Dr Delaney, qui est également spécialiste de la médecine sportive et directeur de la recherche en médecine d’urgence au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et professeur adjoint à l’Université McGill.

Selon la recherche du Dr Delaney, impliquant 469 athlètes universitaires interrogés au cours d’une période de 12 mois; il n’est pas inhabituel de minimiser et dissimuler les symptômes de commotion cérébrale. Dans ce groupe étudié, environ 20% des athlètes ont admis avoir subi une commotion cérébrale au cours de la période étudiée et près de 80% d’entre eux n’ont pas consulté de médecin et ont pris la décision de continuer de jouer en étant conscients de leurs symptômes.

« L’explication la plus commune est qu’ils n’avait pas l’impression que leur commotion cérébrale était sérieuse », explique le Dr Delaney, médecin traitant à la Clinique de médecine sportive de l’Université McGill. « Ils ont cru que ce n’était pas dangereux de continuer à jouer ou à participer aux pratiques. La plupart des athlètes savent ce qui les attend s’ils subissent une commotion cérébrale : ils seront retirés du match. Par contre, ils ne sont pas toujours conscients du fait que les commotions cérébrales, si elles ne sont pas diagnostiquées ni traitées, peuvent être extrêmement dangereuses. » Les athlètes qui continuent de jouer ou de pratiquer alors qu’ils ont des symptômes de commotion cérébrale risquent des blessures beaucoup plus sérieuses, dont les commotions cérébrales répétées, qui peuvent mener à des dommages neurologiques répétés et même, à une déficience cognitive ou à une dépression à long terme.

« Les entraîneurs doivent être conscients que leur attitude et leur comportement envers les victimes de commotion cérébrale peuvent encourager les joueurs à dissimuler leurs symptômes », explique Dr Delaney. Notre étude démontre que certains athlètes n’ont rien révélé parce qu’ils avaient peur d’affecter leur relation avec l’équipe. La réaction des entraîneurs et du personnel médical face à une commotion cérébrale peut avoir un sérieux impact sur la santé immédiate et à long terme des joueurs. »

En tant qu’ancien joueur de football, Sinotte réalise l’importance de comprendre davantage la raison pour laquelle a lieu une commotion cérébrale et comment les athlètes réagissent suite à la blessure. « Il peut être très difficile de penser à long terme lorsque vous êtes un athlète et que vous vous concentrez à approfondir vos aptitudes sportives », dit-il. Toutefois, en fin de compte, les étudiants athlètes doivent réaliser que prendre une ou deux semaines de repos à la suite d’une commotion cérébrale peut avoir un immense impact positif sur leur état de santé en général. Ils doivent apprendre à rapporter leurs symptômes de commotion cérébrale, à faire confiance au personnel médical et à suivre leurs conseils. »

Des différences dans les mécanismes des blessures

En plus d’avoir étudié le comportement des athlètes suite à une commotion cérébrale, le Dr Delaney et ses collègues se sont également penchés sur les mécanismes des blessures. Ils ont observé 226 cas de commotions cérébrales qui se sont produites, sur une période de 10 ans, chez 170 athlètes (hommes et femmes) qui ont pratiqué le football, le hockey sur glace et le soccer.

L’impact reçu sur le côté de la tête ou sur le casque protecteur était la cause la plus commune de commotion cérébrale dans les trois sports confondus. Alors que le contact avec la tête ou le casque d’un autre joueur était le mécanisme le plus fréquent chez les athlètes au football et au soccer, le contact avec une autre partie du corps ou un objet était la cause de blessure la plus commune chez les joueurs de hockey sur glace. Environ la moitié des commotions cérébrales qui ont eu lieu sur le terrain de soccer était due à des tentatives visant à frapper le ballon avec la tête.

« Nous avons également trouvé des différences au niveau du mécanisme de blessure chez les hommes et les femmes adeptes de hockey sur glace et de soccer », rapporte Dr Delaney. « Du côté des joueurs de hockey sur glace, les commotions cérébrales chez les hommes résultaient plus souvent d’un contact avec l’épaule d’un autre joueur, alors que chez les femmes elles résultaient plus souvent d’un contact avec la bande ou la glace. Au soccer, les femmes avaient plus tendance à subir une commotion cérébrale en tentant de frapper le ballon avec la tête. Cela peut être dû à des différences de style et de vitesse de jeu, à des différences au niveau des règles du jeu ou à des différences en matière d’anatomie et de biomécanique entre les deux sexes. »

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