Perspectives futures en physiothérapie

Leader de renommée mondiale, Dre Marilyn Moffat est une physiothérapeute et activiste qui est impliquée dans le développement international de la profession depuis près de quarante ans.

À la tête de l’American Physical Therapy Association (APTA), elle a joué un rôle majeur au niveau politique. À l’occasion du Mois national de la physiothérapie au Canada, nous vous présentons une entrevue exclusive avec Dre Marilyn Moffat, présidente sortante de la World Confederation for Physical Therapy (WCPT).

Marilyn Moffat

L’autonomie professionnelle des physiothérapeutes est en mutation à l’échelle internationale. Cependant, plusieurs barrières entravent l’accès à un plein épanouissement et la présence d’une véritable émancipation. À titre d’exemple, l’accès direct ne s’est pas démocratisé dans tous les pays, l’opinion médicale est parfois demandée pour confirmer nos recommandations et des assureurs limitent le remboursement des honoraires. Que pensez-vous de l’évolution récente des acquis professionnels en physiothérapie ?

L’autonomie professionnelle des physiothérapeutes a fait l’objet de longues luttes et elles ne sont toujours pas terminées. Aux États-Unis, la mise en place de l’accès direct a début au tournant des années 70. L’année dernière, nous avons finalement atteint le plein accès direct, dans tous le pays. C’est près de quarante années plus tard, ce qui démontre la taille de la tâche.

L’accès direct est un enjeu crucial. Un recensement que nous
avons réalisé en 2013, à la World Confederation for Physical Therapy (WCPT), nous a permis de réaliser que 41 organisations mondiales sur 106 n’ont toujours pas acquis l’accès direct. Je ne suis pas persuadée que nous avons assez tenu tête à la profession médicale.

En ce sens, les médecins n’ont pas de formation en lien avec l’art de la physiothérapie et nous utilisons divers outils d’évaluation qui sont rarement vus dans les cabinets médicaux. Ce n’est donc pas pour rien que nous recevons souvent des demandes de consultation assez surprenantes.

En ce qui a trait au futur, nous devons être impliqués au niveau politique. Au-delà de l’implication personnelle et de l’investissement de temps, il doit y avoir des engagements financiers et des budgets alloués à cet activisme.

Les systèmes de santé sont de plus en plus conscientisés à l’efficience des interventions en physiothérapie. De ce fait, les générations futures de cliniciens se verront offrir des opportunités d’élargir le spectre de leur pratique et de significativement contribuer à l’évolution de la profession. Cependant, nous ne sommes pas la seule profession à vouloir saisir ces opportunités. Pour ainsi dire, il y a une fenêtre d’opportunité de qualité, mais elle doit être adéquatement utilisée. Comment devrions-nous procéder pour ne pas manquer cette chance ?

À mon sens, ce risque existe pour une seule raison : les physiothérapeutes se sont dispersés et ont dérogé de leur expertise première. La force de notre profession est l’utilisation optimale d’exercices, soit une modalité non-invasive et fonctionelle. Nous devons effectuer un retour aux sources de notre profession. Nous devons préconiser une approche axée sur la prévention des maladies. Nos interventions primaires ne sont pas les mobilisations. Nous sommes une profession qui est axée sur l’exercice et la prévention.

En clinique, lorsque nous recevons un patient de 40 ans, avec un IMC considérable et un diabète diagnostiqué, qui se présente pour une entorse à la cheville, nous devons agir sur son obésité. C’est ainsi que nous serons pleinement reconnus. Nous devons nous concentrer sur la prévention des maladies non transmissibles : maladies cardio-vasculaires, diabète, ostéoporose, asthme, etc. Nous devons réaliser l’impact global que nous avons sur les sociétés.

La culture professionnelle en physiothérapie diffère de celle des médecins, dentistes et pharmaciens. Prenons le Canada comme exemple. La présence sur la scène politique est moins importante, les activités de lobbying moins nombreuses et les donations effectuées par les professionnels moins élevées. À quoi attribuez-vous ces particularités ?

Effectivement, les physiothérapeutes ne sont pas les professionnels les plus actifs sur la scène politique. Aucune profession ne luttera à notre place. Les physiothérapeutes sont les seuls responsables du développement de leur profession.

L’explication est multi-factorielle et votre question élucide une partie de la réponse. Nous sommes une profession féminine et cela a peut-être joué un rôle historiquement. La question salariale et les dettes d’études peuvent bien sûr jouer.

La collaboration est une valeur clé dans l’offre optimale de soins. En parallèle, notre profession est en quête d’une émancipation. Comment concilier ces deux objectifs ?

Je pense que nous devons simplement nous concentrer sur notre expertise. Cette expertise, elle est reconnue mondialement. C’est pour cette raison que les physiothérapeutes sont présents aux côtés de médecins, dentistes, pharmaciens et infirmiers au sein de la World Health Professions Alliance (WHPA). Cette organisation milite dans plus de 130 pays pour l’amélioration de la santé mondiale par l’entremise d’une juste collaboration entre les professionnels.

Quels sont les plus grands défis auxquels sera confrontés notre profession ?

Je crois que nous sommes dans une période charnière avec le vieillissement de la population, la prévention des maladies non transmissibles et l’arrivée de nouvelles technologies. Notre plus grand défi sera de gagner une reconaissance mondiale à titre d’experts de l’exercice.

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