Un programme en mouvement constant

En septembre dernier, pour la première fois de son histoire, le programme de physiothérapie – traditionnellement féminin – accueillait autant d’hommes que de femmes parmi ses nouveaux étudiants. Heureuse coïncidence, cette parité 50-50 a été atteinte au moment où le programme s’apprête à fêter ses 50 ans de création! Une firme de communication stratégique n’aurait pas trouvé mieux pour promouvoir l’anniversaire de ce programme qui a formé plus de 2000 finissants au fil des ans. Tout ce beau monde sera d’ailleurs convié à participer aux célébrations qui marqueront le demi-siècle du programme au cours des prochains mois.

L’histoire de ce programme débute en 1962 alors que le Conseil universitaire accepte une résolution présentée par des médecins visant la création d’une unité pour dispenser une formation en physiothérapie. «Au Canada, le premier programme d’enseignement universitaire dans cette discipline est apparu en 1915, rappelle la professeure Carol Richards. Il est né du besoin d’aider les militaires blessés lors de la Première Guerre mondiale. Le programme de l’Université Laval a été le septième à voir le jour au Canada.»

Il a fallu trois ans de préparation à l’Université pour monter le programme et recruter des enseignants. En septembre 1965, tout est prêt et 16 étudiants – 14 filles et 2 garçons – répondent à l’appel. Frances King était du nombre. «J’arrivais du couvent et quelqu’un m’avait parlé de ce nouveau programme qui commençait à l’Université. C’était l’époque des enfants du thalidomide, nés avec de graves malformations. Je voulais les aider comme je voulais aider les soldats blessés, mais être infirmière ne m’attirait pas.»

La jeune femme – qui allait par la suite occuper un poste d’enseignante en physiothérapie à l’Université de 1972 jusqu’en 2007 – et ses collègues de classe suivent leurs cours à l’École de réadaptation installée dans le pavillon Rousseau de l’Hôpital Laval. «Nous avions quelques cours sur le campus, mais nous passions la plus grande partie de notre temps là-bas. C’était un milieu fermé, juste pour nous. Nous avions même notre propre bibliothèque.»

Les premiers finissants trouvent rapidement des emplois, tous en milieu hospitalier. «À l’époque, les médecins prescrivaient les interventions à faire et les physiothérapeutes les exécutaient. Pourtant, nous avions appris à faire des évaluations», souligne madame King. Cette situation créait des frictions entre médecins et physiothérapeutes, se souvient Carol Richards. «Les médecins décidaient tout et nous étions considérés comme des techniciens. Il y avait des chicanes constantes.» La situation s’envenime au début des années 1970 lorsque les cégeps lancent un programme de technique en réadaptation physique. L’arrivée de ce nouveau joueur change la donne; un comité interne de l’Université – sur lequel ne siège aucun physiothérapeute – recommande même de discontinuer les programmes de physiothérapie et d’ergothérapie, puisque, selon les auteurs du rapport, les techniciens remplissent des fonctions similaires.

Non seulement cette recommandation ne sera pas appliquée, mais la physiothérapie prendra du galon dans les années qui suivront. En 1973, à la suite de l’adoption du Code des professions, la Corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec voit le jour. «La physiothérapie devenait alors une profession autonome reconnue à part entière, souligne Frances King. La création de cliniques privées, où les physiothérapeutes exerçaient sans être sous la supervision de médecins, a aussi contribué à l’évolution de la profession.»

Pour Carol Richards, un autre élément a fortement contribué à affirmer le rôle du physiothérapeute. «Dans les années 1970, la physiothérapie a développé son propre champ d’expertise en recherche. L’Université Laval a donné l’exemple de ce côté. Dès 1990, tous les professeurs de son programme étaient détenteurs d’un doctorat. Les conclusions de travaux de recherche en physiothérapie ont conduit à l’enseignement de bonnes pratiques fondées sur la science. C’est ce qui a permis à la physiothérapie de s’imposer comme la discipline de l’évaluation et du traitement des troubles de la motricité.»

En 50 ans, le programme de physiothérapie a changé de rattachement administratif à de nombreuses reprises, en plus de déménager ses pénates cinq fois. Depuis 1997, il a fait sa niche à la Faculté de médecine, au sein du Département de réadaptation, où il cohabite avec l’ergothérapie et l’orthophonie. Le programme, lui, a continué de bouger. Au début des années 2000, un mouvement s’est dessiné en faveur d’un prolongement de la formation conduisant à l’exercice de la physiothérapie au Canada. L’Université a emboîté le pas et, en septembre 2008, elle implantait le programme de continuum baccalauréat-maîtrise d’une durée de 4,5 ans. «Il fallait rehausser la formation parce que le volume de connaissances à acquérir avait augmenté et que le physiothérapeute était appelé à accomplir de nouvelles tâches, notamment sur le plan du diagnostic», explique le directeur du programme, Richard Debigaré.

Au même moment, la formation a été revue pour passer à une approche par compétences. «Toute la formation, depuis les cours de base du premier cycle jusqu’aux stages de maîtrise, est axée sur l’atteinte des compétences que doit posséder un physiothérapeute. L’étudiant doit non seulement acquérir des connaissances, mais un savoir-faire et un agir complexe», précise le professeur Debigaré. Cette approche donne des résultats tangibles. «Les employeurs nous disent que nos étudiants arrivent mieux préparés à exercer leur rôle de physiothérapeute.»

Le programme de physiothérapie n’a pas de problème de recrutement: les 100 places qu’il offre maintenant trouvent facilement preneurs. Le taux de placement de 100% des finissants n’est sans doute pas étranger à ce succès. L’offre de stages constitue toutefois un défi constant pour une discipline où l’expérience pratique est essentielle. Un réseau de 400 superviseurs répartis dans 130 milieux de stage est déjà en place, mais les responsables du programme souhaitent faire plus. «En 2011, nous avons implanté des stages dans des milieux non traditionnels. Les étudiants vont dans des endroits qui n’emploient pas de physiothérapeute pour étudier et prévenir les risques musculosquelettiques reliés à certaines activités. Par exemple, certains de nos étudiants ont agi comme consultants auprès des étudiants de la Faculté de musique, d’autres sont allés à l’École de cirque de Québec ou encore chez Louis Garneau. Nous voulons développer cette filière. Les étudiants qui y participent rendent de précieux services dans les milieux qui les accueillent et ils développent une grande autonomie professionnelle», constate le professeur Debigaré.

La formation pratique des étudiants pourrait connaître un développement majeur sous peu. En effet, le projet de création d’une clinique d’enseignement universitaire en physiothérapie pourrait se concrétiser au cours des prochains mois. «L’idée est d’offrir une expérience de formation pratique à nos étudiants en dispensant des services de physiothérapie à certaines clientèles, comme le fait la clinique de la Faculté de médecine dentaire. Pour éviter de concurrencer les cliniques privées, la clinique de physiothérapie ne recevrait que des personnes qui ne sont pas couvertes par un programme d’assurance ou qui ne consulteraient pas un physiothérapeute autrement.»

Pour célébrer ses 10 lustres, une équipe du programme de physiothérapie a concocté une série d’activités où personne n’a été oublié. Le coup d’envoi sera donné le 29 janvier, au Théâtre de la cité universitaire, avec le Gala des Os d’Or, un spectacle de variétés mettant en vedette les étudiants et les enseignants du programme. Au cours des prochains mois, trois conférences grand public seront offertes pour mieux faire connaître le travail du physiothérapeute à la population. Les thèmes abordés seront les commotions cérébrales (Bradford McFadyen, 18 février), la réadaptation après une lésion cérébrale (Cyril Schneider, 20 mai) et le physiothérapeute en première ligne dans l’armée (major Luc Hébert, 23 septembre). Enfin, en octobre prochain, diplômés, enseignants et personnel du programme de physiothérapie ainsi que les partenaires du milieu seront conviés au gala du 50e anniversaire qui clôturera les célébrations.

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Reproduction avec autorisation du Journal LeFil/Université Laval. [1]

Références

  1. Jean Hamann. Un programme en mouvement constant. Le Fil. Volume 50, numéro 18. 29 janvier 2015 (Lien)

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